Entrevue avec Michael Pawlyn, architecte et auteur
Dans cet immeuble de bureaux à l’architecture biomimétique, l’éclairage s’inspire de deux créatures des fonds marins : le revenant translucide à quatre yeux, une espèce de poisson, et l’ophiure, une cousine à longues branches fines de l’étoile de mer. À l’extérieur de l’immeuble, le revêtement vitré rappelle quant à lui le coquillage irisé d’un mollusque, et les colonnes de support enrobant les systèmes énergétiques évoquent la colonne vertébrale à double fonction de l’humain.
Pour Michael Pawlyn, architecte et designer de l’immeuble, le monde naturel déborde de designs brillants et efficaces. Son livre, Biomimicry in Architecture, a inspiré les architectes, les designers urbains et les designers de produits à se tourner vers la nature pour y puiser de beaux modèles d’éco-efficacité.
Le livre les a aussi encouragés à voir plus loin que la simple durabilité – qui équivaut simplement à minimiser les effets négatifs de l’utilisation des ressources et de l’énergie selon Michael Pawlyn – pour embrasser le modèle régénérateur du biomimétisme. Cet immeuble de bureaux est le plus récent projet de M. Pawlyn et l’équipe d’Exploration Architecture. Son design biomimétique permettra de le transformer en une structure éclairée naturellement, productrice nette d’énergie et autonome en matière de chauffage, de refroidissement et de ventilation; le résultat renforcera le bien-fondé du biomimétisme en établissant un lien clair entre le design restaurateur et responsable et la réduction des coûts. Le projet intègre aussi les principes du psychologue Craig Knight, comme l’ajout de plantes à l’environnement de travail pour améliorer le sentiment de bien-être, la qualité de vie et la productivité des employés.
« Le débat entourant le design a changé au cours des dix à quinze dernières années, étant autrefois axé sur l’économie des ressources et de l’énergie et aujourd’hui sur l’amélioration de la productivité », explique Michael Pawlyn. Lorsqu’il sera construit, l’immeuble de bureaux biomimétique sera l’un des immeubles de bureaux qui consomment le moins d’énergie au monde. Les coûts liés à l’énergie seront très faibles comparativement à ceux liés aux employés, comme les salaires, mais selon M. Pawlyn, le design de l’immeuble permettra aussi de maximiser les importants investissements en ressources humaines grâce à des gains de productivité pouvant atteindre 25 %.
Cette équation pratique fondée sur la rentabilité ne rend toutefois pas justice à l’ingéniosité du projet. Par exemple, l’infrastructure de l’immeuble est basée sur la structure osseuse des oiseaux et des seiches. Tous les composants du corps d’un oiseau se doivent d’être légers, solides et efficaces pour permettre le vol. Bien que délicats, les os d’un oiseau sont loin d’être fragiles : le crâne est constitué de plusieurs couches d’os très fines, ce qui lui confère de la solidité sans ajouter de poids nuisible au vol. De même, certaines parties de la structure osseuse des seiches comptent plus de couches que d’autres afin d’ajouter du renforcement seulement là où le mollusque en a besoin pour se mouvoir, s’appuyer ou se protéger.
En étudiant les crânes des oiseaux et les os des seiches, Pawlyn a découvert que la nature a souvent pour principe de créer « des formes complexes comportant la plus petite quantité de matériaux possible exactement là où c’est requis »; il a donc intégré cette ingéniosité dans les éléments structuraux clés de l’immeuble de bureaux biomimétique, c’est-à-dire les dalles de plancher et les colonnes. Les sections du plancher qui « travailleront » beaucoup et qui supporteront davantage le poids et le stress de la structure contiendront plus de béton. Les colonnes et les dalles de plancher qui seront moins sollicitées pourront quant à elles être creuses – l’espace ainsi créé servira à des fins dites secondaires, comme loger le câblage électrique ou les composantes du contrôle de la température.
Pour un meilleur contrôle de la température, l’immeuble comprendra des stores complexes identiques qui pourront répondre automatiquement et, au besoin, séparément aux changements d’éclairage, de la même façon que bougent les plantes comme le Mimosa Pudique (Mimosa pudica) et la Dionées attrape-mouches en réaction au toucher ou à un autre stimulus externe. De même, l’Anthurium épiphyte, une plante tropicale qui pousse sur des végétaux près du sol des forêts denses et qui capte efficacement le peu de lumière du soleil disponible, donne matière à réflexion pour une éventuelle nouvelle phase du design de l’immeuble de bureaux biomimétique.
De concert avec des designers de bureaux, des psychologues industriels, des biologistes et même des primatologues, Michael Pawlyn et l’équipe d’Exploration Architecture continuent de chercher des solutions de design novatrices puisant dans les milliards d’années d’évolutions naturelles. Cette démarche remet en question non seulement notre façon de penser le produit ou le résultat final, mais aussi le processus même qui nous y mène.
« Au lieu de commencer par examiner la réalité, définissez d’abord l’idéal à atteindre, puis modulez-le pour qu’il respecte le budget et la constructibilité en faisant le moins de compromis possible, conseille Michael Pawlyn. Si vous ne commencez pas par définir votre idéal, vous n’aurez probablement pas d’éclairs de génie. »
Une réponse à “Un bâtiment à l’architecture biomimétique”
Bonjour,
Je fais partie d’une association, le CEEBIOS, qui promeut les démarches bio-inspirées et durables. Nous produisons un état de l’art, gratuit et public, de l’habitat bio-inspiré. Pour illustrer le Biomimetic office imaginé par Pawlyn, nous souhaiterions utiliser l’une de vos images. Elle sera évidemment sourcée.
Je vous envoie donc ce mail pour vous en demander l’autorisation.
En vous remerciant,
cordialement
Dakouré Amélie
CEEBIOS