Boucler la boucle: une nouvelle vie pour les voies de chemin de fer d’Atlanta

Il est facile d’énumérer ce qui ne va pas sur notre planète, des changements climatiques aux blocages politiques, en passant par l’instabilité dans le monde et les embouteillages. Ce qui l’est moins, c’est de regarder ces problèmes en face et de les transformer en quelque chose de positif. Or ceux qui s’attaquent à transformer le négatif en positif sont souvent récompensés d’une énergie qui crée un effet domino; souvent, d’ailleurs, plus les défis sont importants, plus les résultats sont impressionnants.

Prenons l’exemple de Ryan Gravel, urbaniste et auteur du livre Where We Want to Live, qui a transformé un problème en apparence insurmontable en un extraordinaire mouvement de profond changement. Pour sa thèse de maîtrise à l’université Georgia Tech, M. Gravel s’est penché sur les effets dévastateurs de l’étalement urbain typique de l’après-guerre et de l’envahissement de l’automobile sur sa ville natale d’Atlanta, et a proposé des solutions pour revitaliser certains éléments abandonnés et désaffectés de son infrastructure.

Quelques années plus tard, alors urbaniste pour une firme spécialisée dans les projets urbains à usage mixte sur, il fait part de ses idées à ses collègues et réussit à lancer une révolution citoyenne à laquelle participeront des influenceurs locaux. Grâce à ce mouvement, les terrains à l’abandon du tracé de l’ancien chemin de fer entourant Atlanta seront transformés en un paradis de conservation qui valorisera les liens avec la nature tout en revitalisant les quartiers environnants.

« Dès ses débuts, le chemin de fer, qui fut construit après la guerre de Sécession et était complété par un réseau de tramways, a contribué au développement de la ville, explique M. Gravel. Toutefois, avec la multiplication des automobiles et l’étalement urbain après la Seconde Guerre mondiale, cette ceinture de 35 kilomètres fut abandonnée. Par conséquent, les quartiers qu’elle reliait – plus de 45 – se sont dégradés, tout comme les 1 600 hectares de zones industrielles qu’elle entourait, laissant place à des champs brunis et contaminés, où l’on brûlait des voitures et déversait des liquides toxiques dans les ruisseaux.

J’ai vécu un an à Paris, et à force d’y marcher et d’y prendre le métro, la relation entre les infrastructures et la qualité de vie m’est apparue très claire. » Constatant les effets négatifs des zones industrielles et des infrastructures abandonnées non seulement sur l’environnement physique d’Atlanta, mais également sur sa santé socio-économique, M. Gravel a voulu complètement transformer le chemin de fer en y intégrant « des couloirs de verdure, des parcs et des pistes cyclables en boucle » recyclant les infrastructures et améliorant le mode de vie.

Le projet n’est pas sans rappeler la célèbre High Line, dans le West Side de New York, où des écologistes furent à l’origine de la conversion d’un chemin de fer surélevé désaffecté de 2,5 kilomètres en un parc linéaire très populaire. Il fait également penser au triste fleuve Los Angeles, jadis le cœur de la ville, et à ses segments bétonnés dans les années 1930 pour éviter les inondations, segments qui, après avoir été graduellement réaménagés, accueillent maintenant des parcs, des pistes cyclables et des œuvres d’art public.

L’architecte Frank Gehry veut pousser la transformation plus loin et en faire un lieu de rencontre où les résidents dépendants de l’automobile peuvent renouer avec la nature. L’objectif du BeltLine d’Atlanta est lui aussi d’améliorer la vie des citoyens en réinventant les reliques infrastructurelles de la ville. Grâce à la vision ambitieuse de M. Gravel et à la passion des gens qui la soutiennent, ce projet est devenu l’un des plus ambitieux aux États-Unis en matière de réintégration d’infrastructures obsolètes au tissu urbain et d’adaptation vivante aux modes de vie d’aujourd’hui.

Depuis les débuts du mouvement populaire soutenant l’initiative de M. Gravel, en 2001, des lois ont été adoptées et des incitations fiscales ont été mises en place pour favoriser les investissements. Le secteur privé a investi 400 millions de dollars dans le projet, qui, selon M. Gravel, devrait générer une croissance de 3 milliards de dollars. En plus de rapatrier en centre-ville des entreprises qui voudront s’adapter au style de vie d’une nouvelle génération de travailleurs, le BeltLine réduira la dépendance à l’automobile : les gens pourront se rendre au travail à pied ou à vélo, ce qui sera une solution économique pour les personnes à faible revenu. Des 35 kilomètres du chemin de fer, presque 10 ont déjà été transformés.

Par ailleurs, M. Gravel estime que le projet aura des retombées bénéfiques pour le bien-être physique et mental de la collectivité. « Selon Dick Jackson, directeur du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) d’Atlanta, un style de vie actif peut être meilleur pour la santé que n’importe quelle ordonnance », explique-t-il. M. Gravel souligne aussi que la dimension « naturelle » des parcs favorise la santé psychologique à mesure que les vieilles infrastructures se métamorphosent graduellement.

Et nous, comment pouvons-nous suivre l’exemple de M. Gravel et devenir des agents de changement dans notre milieu? Dans son livre, l’auteur propose huit idées pouvant servir de principes directeurs pour provoquer ces changements. L’une des leçons les plus importantes selon lui? « Plus c’est gros, mieux c’est. Les grands projets attirent des partenaires qui ajoutent de la solidité à l’initiative et rallient plus de gens. » Les résultats de son propre projet le prouvent. De plus, pour réussir, un projet doit tenir compte de tout le monde. « Au lieu de tout décider péremptoirement, il faut jouer un rôle de catalyseur et concevoir un projet pour tous – les cyclistes, les coureurs, les skaters, les gens qui font leurs courses et les résidents –, et pas seulement pour les automobilistes », ajoute M. Gravel. Finalement, il faut absolument concevoir des projets qui valorisent l’authenticité. M. Gravel explique en effet qu’« avec l’étalement urbain, tout est du pareil au même; la transformation d’un élément existant nous lie à ce qui rend une ville spéciale et unique ».

Les penseurs et militants comme M. Gravel incarnent une des règles d’or d’Interface : transformer le négatif en positif. Tout comme lui, nous appliquons les principes que nous préconisons en prenant des mesures concrètes pour venir à bout de certains problèmes : nous recyclons nos déchets postfabrication, réduisons au minimum l’utilisation de substances toxiques dans nos produits et créons des revêtements de sol inspirés de la nature.

Pour en savoir plus sur le livre et les idées de M. Gravel, rendez-vous sur le site https://ryangravel.com/book/.

 

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